
Changement d'air
De l'attente à la présence
Nous avons toutes et tous des rêves. Peu importe la manière dont ils s'articulent. Nous avons des attentes vis-à-vis de ce que nous réserve la vie et une vision bien spécifique de comment tout cela doit se dérouler. Ces visions modèlent nos expériences et nos parcours. Ils donnent un sens aux activités que nous pratiquons chaque jour. Cela doit se passer ainsi, sans quoi cela ne rentre pas dans nos mémoires comme un souvenir mémorable.
Pour tout ce qui touche au voyage, et dans ce cas précis, on peut parler du syndrome de Paris. Ce trouble psychologique, en résumé, toucherait les personnes qui fantasme un pays, une région, un lieu et qui, lorsqu'ils s'y retrouvent, frappés par la réalité des choses, se verraient profondément déçues à en tomber malade. Dans une certaine mesure nous le subissons tous. Bien entendu, pas forcément dans ces cas les plus extrêmes, mais il faut se l'avouer, si nous avons la chance de voyager, nous irons voir un endroit qui nous paraît enchanteur et que l’on a quelque peu fantasmé. Pour ma part, j'ai beaucoup d'attentes en ce qui concerne ma découverte du Canada. Sans n’y être jamais allé, mais de ce que j'en lis et ce que j'en vois, tout conforte l'idée d'une terre promise où il fait bon vivre. C'est avec une certaine expectative que j’y pose un premier pied.

Il y a néanmoins un certain nombre de points qui font que cela ne se passera pas comme prévu… Loin de moi l'idée d'être négatif. Je parle ici d'expérience. Je sais pertinemment que rien ne se passe comme l'on pourrait s'y attendre. Que ce soit dans le bon ou dans le mauvais sens. J'ai d'ailleurs souvent été surpris de la bonne tournure des choses. Je me permets quand même de dresser une petite liste des déceptions qui me forceront sans doute à retenter l'expérience, à un autre moment, sous d'autres conditions:
- Il ne fait pas froid
- L'accent n'est finalement pas "drôle", surtout lorsqu'il s'agit de comprendre ce que l'on me dit, même les choses les plus basiques telles que le prix de mon repas.
- Ce pays n'est pas aussi "en avance" sur certains points qu'il n'y paraît, pour ce que j'en ai vu jusqu'à maintenant.



Je ne sais pas si c'est le cas de tout le monde, mais lorsque j'arrive dans un nouvel endroit, nouveau pays ou région, je suis toujours déprimé. Je suppose que c'est dû au fait que l'action de voyager n'est pas anodine. Sans parler de routine nous remettons la totalité de nos habitudes en question pour embrasser celle d'un nouveau lieu, et ce pour une courte période. Cela demande beaucoup de temps, de réflexions et de moyens pour finir par se heurter à une dure réalité: l'herbe n'est pas plus verte, ou que ça soit.
Ce sentiment me poursuit alors quelques jours. C'est une forme de déprime du changement, de démotivation face à cet inconnu qui, je le sais, n'est pas mieux que l'inconnu proche de mon chez-moi. Celui-ci ayant la particularité de me faire tomber de moins haut.

Cela dure un temps pour finir par laisser place à une curiosité maladive. Je dois tout voir, tout apprendre, tout tester. Chaque petite ruelle a un intérêt, chaque découverte me donne l'impression d'être un archéologue devant une pièce antique unique en son genre. Tout m'intéresse et j'oublie que pendant quelques jours, mon ciel était gris. Le moindre fait anodin devient une nouvelle des plus excitantes. C'est alors que, inconsciemment, je me fixe des règles arbitraires qui vont donner à chacun de mes périples un cadre et une saveur unique:
- Je ne mangerai jamais deux fois aux mêmes endroits.
- Je prendrai un maximum de temps pour découvrir les lieux que je traverse, en m’y rendant à pied ou à vélo (à la place du métro qui supprime d’après moi tout l’intérêt de la découverte) .
- Je serai ouvert à tout ce que l'on me propose, que cela m'intéresse ou non.

En me forçant à tenir ces engagements, je me rends compte que j’appréhende la vie d’une manière un peu différente. Traverser l’existence n’est pas toujours facile, bien souvent nous nous retrouvons face à des situations relativement pénibles. Le fait de suivre des règles qui peuvent parfois paraître absurdes m’accompagne de plus en plus jusqu’à faire bientôt partie intégrante de mon quotidien. Si cela m’aide à voir le monde sous de meilleurs augures, peut être que cela pourra aussi vous donner un petit coup de pouce.